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LA CONSTRUCTION NAVALE (dans l'Estuaire de la Loire) |
Dans le cadre du concours "Cl@sses Belem", notre classe de 1ère Gestion est allée visiter les Chantiers Dubigeon à Nantes.
Nous avons été accueillis à "la Maison des Hommes et des Techniques" par Monsieur Gérard TRIPOTEAU, Dessinateur de coques durant son activité professionnelle et actuel Président de l'Association "Histoire de la Navale à Nantes" et Monsieur Jean RELET, Responsable Communication, qui nous a accompagné durant toute la journée. Tous deux sont d'anciens compagnons qui ont travaillé aux Chantiers jusqu'à leur fermeture.
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Nous avons visité une exposition qui détaillait la conception d'un navire. Jean RELET nous a expliqué pourquoi les ouvriers considéraient le bateau en constrution comme "leur enfant" et la mise à flot était comme la "coupure du cordon ombilical" : la construction s'étalait sur 2 ans et des liens se tissaient sur le chantier entre hommes et bateau, entre ouvriers. Le navire était nommé : il acquérait donc une personnalité et il était baptisé avant de partir naviguer sur les mers et océans. Puis, Jean RELET nous a emmené sur le terrain voir les anciens sites de construction.
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L'après-midi, nous avons eu le témoignage de trois anciens compagnons qui travaillaient autrefois dans les Chantiers : Michel électricien, Maurice chaudronnier et René dessinateur industriel. Ils nous ont raconté leurs expériences personnelles en insistant sur la solidarité entre ouvriers qui existait sur les chantiers. Leur sentiment d'appartenir à une grande famille est toujours vivace.
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I) LA CONSTRUCTION NAVALE AU FIL DES SIECLES.
A.L'armature en bois
Depuis longtemps l'homme construit des bateaux afin de se déplacer et faire des échanges commerciaux.
Au début, les hommes confectionnaient leurs bateaux avec du bois, matériau peu cher et très répandu, et qu'ils savaient parfaitement transformer et adapter à leurs besoins.
Les travaux de chercheurs prouvent l'existence, à Nantes, d'une construction navale fort ancienne. Par exemple, certaines traces datent de - 2000 avant J.-C. D'autres vestiges ont été estimés à l'époque - 600 av J-C. Et en 1248, la nef "La Pénitence de Dieu" fut créée pour la 7ème Croisade de Saint Louis dans le but d'assurer le transport des Croisés.
L'utilisation du bois a perduré plusieurs siècles et a favorisé, en particulier, le commerce triangulaire et la richesse de la ville de Nantes au XVIIIè siècle.
B.L'armature en fer
Les constructions ont bénéficié de l'évolution technologique et de l'apparition de nouveaux matériaux. Ainsi, au 19 ème siècle le fer a remplacé le bois, ce qui a permis l'élaboration d'embarcations plus robustes et mieux adaptées à de nouveaux types de transport. Nous sommes, alors, à l'aube des cargos, des pétroliers, des méthaniers et autres embarcations modernes. Dans le domaine des croisières, de somptueux paquebots de légende (Normandie, France) ont vu le jour. Ils permettront des traversées océaniques luxueuses aux plus riches et feront rêver les moins fortunés.
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elle permet de distinguer le rivetage et les plaques en fer de la coque |
II) LES CHANTIERS DUBIGEON ET LEUR EVOLUTION
A. Les débuts
En 1711, naît Julien DUBIGEON. Il se fera embaucher comme apprenti dans l'un des nombreux chantiers de la Fosse et y apprendra la plupart des métiers des chantiers avant de devenir maître-charpentier. Vers 1740, il fonde son premier établissement qui portera son nom, sur les bords de la Chézine. C'est aussi l'époque où d'autres constructeurs s'installent sur les rives de la Loire car l'époque est porteuse et, en effet, au cours de la deuxième moitié du XVIIIè siècle, l'ensemble des chantiers nantais construiront à eux seuls 15 % de la flotte française.
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B. Le 20ème siècle
a) Historique :
Au début du 20ème siècle, la Loire Atlantique
comptait 4 grands chantiers qui étaient :
- les Chantiers Dubigeon
(à Chantenay, Nantes)
- les Chantiers de la Loire (à la Prairie au Duc, Nantes)
- les Chantiers de Bretagne
- les Chantiers de l'Atlantique (à St Nazaire)
En 1919, les anciens Chantiers DUBIGEON sont rattachés à la société des Ateliers et Chantiers de la Loire. Le nouvel ensemble se situe toujours à Chantenay et emploie 700 ouvriers.
Un développement extraordinaire, jusqu'à l'après-guerre, génère 40 000 à 50 000 emplois en France. A cette époque les commandes étaient nombreuses, tous les chantiers étaient en activité. Par la suite, la construction française s'essouffle en subissant la concurrence des pays du nord : les commandes commencent à se faire plus rares. Les différents Chantiers de Basse-Loire doivent s'adapter à ce nouveau contexte économique et les mouvements de concentration commencent à apparaître.
- 1955 : les Chantiers de la Loire et de Penhoët forment les Chantiers de St Nazaire ;
- 1961 : Les Chantiers deviennent Chantiers Alsthom-Atlantique et poursuivent leurs activités. La construction du France date de cette époque.
- 1969 : les Chantiers de Bretagne et Dubigeon se
regroupent pour former le Chantier DUBIGEON-NORMANDIE qui restera
à Nantes, jusqu'à sa fermeture, intervenue en 1986.
Les guerres et les relations internationales ont un impact important
sur l'activité des chantiers. Par exemple, pendant la guerre
de 39-45, les Chantiers DUBIGEON réussissent à
conserver les sous-marins français en construction,
l'Astrée et l'Andromède, terminés en 1946. De
même, la fermeture du Canal de Suez sera à l'origine de
la construction de super-tankers, capables de faire le tour du
continent africain par le Cap de Bonne Espérance, tout en
transportant jusqu'à 500 000 tonnes de pétrole
brut.
- 1969-80 : ces années constituent la grande époque pour les chantiers, avec la fabrication de ces conteneurs.
- 1990 : le nombre de construction se réduit drastiquement (1 ou 2 bateau par an à Saint Nazaire). Les Italiens, les Coréens et les Japonais font une concurrence sévère aux Français. L'aide de l'Etat est indispensable à la survie des Chantiers.
- 1995 : Un changement de politique intervient dans la stratégie de l'entreprise ALSTOM. La construction de car-ferries, méthaniers, dragues... devient mineure. Une spécialisation se met en place vers les paquebots car le marché de la croisière prend son envol. Deux conceptions de la croisière, l'une américaine, l'autre européenne permettent des aménagements intérieurs différenciés pour les deux types de public. Les Européens apprécient la croisière culturelle, tandis que les Américains préfèrent la détente sur le navire : des casinos, des salles de machines à sous y sont donc aménagés.
b) Les savoir-faire :
La construction d'un paquebot nécessite un véritable
savoir-faire et le taylorisme n'est pas possible, car les bateaux sont tous
différents.
D'ailleurs, les ouvriers des Chantiers s'appellent des Compagnons. Ce terme est issu des anciers chantiers de marine et fait référence au savoir-faire des artisans spécialisés du Moyen-Age, regroupés en corporation de métier.
6 000 personnes travaillent aux chantiers de St Nazaire. 6 000 autres sont employées dans des entreprises sous-traitantes qui, elles-mêmes font souvent appel aux agences intérim. Les commandes se multiplient mais l'avenir reste malgré tout incertain. Afin de rester compétitif, la nécessité se fait sentir de créer d'autres produits, plus sophistiqués. C'est pourquoi les Chantiers étudient actuellement la construction de navires rapides qui navigueraient à 30 ou 40 noeuds (environ 80 km/h) en utilisant la propulsion d'eau à grande force. L'innovation est nécessaire pour assurer la survie du Chantier.
III) DES CONSTRUCTIONS CELEBRES
Beaucoup de navires ont été construits à Nantes, par exemple : la BOUDEUSE, la LOIRE, la MEDUSE… Cette frégate construite dans les chantiers de Paimboeuf coula au large des côtes africaines en 1816. Ce bâtiment est connu, encore aujourd'hui, car ce tragique événement permit à Théodore Géricault de peindre sa célèbre toile «Le Radeau de la Méduse», en 1819. Cette toile est exposée au Musée du Louvre.
D'autres bâtiments célèbres ont fait l'histoire de France
Le BELEM
Le Belem est très cher au coeur des Nantais, et reste le dernier témoin français de l'époque de la marine à voile. Ce fameux trois-mâts barque, de 58 mètres de long et 8,80 mètres de large, fût lancé le 16 juin 1896 pour l'armement Denis Crouan fils. Cinq mois et dix jours ont été nécessaires pour bâtir la coque en fer assemblée par des rivets et 50 jours pour mettre en place le gréement et armer le navire. Le bateau mettait 1 mois pour rejoindre la ville de Bélem au Brésil. On passe au large des Antilles et de la Guyane. La durée totale d'une expédition pouvait atteindre les six mois. Sa mission est d'assurer le transport de marchandises (cacao) entre le Brésil et la France. |
![]() Le Belem à quai, au Port de Paimboeuf |
Entre 1896 et 1914, le Belem
effectue 33 campages sous les pavillons successifs de 3
armateurs.
L'exploitation des petits voiliers antillais comme le Belem devenant
difficile, les vapeurs ayant repris le trafic, il est racheté
en 1914 par le Duc de Westminster qui en fait son yacht de plaisance.
Il sera même rebaptisé Fantôme II et fera le tour
du monde.
En 1952, une Fondation de Venise en fait un navire-école destiné à la formation professionnelle des jeunes orphelins de marins.
En 1979, la Caisse d'Epargne aidée de la Marine Nationale ramène le Belem en France et le restaure. Il est ensuite cédé à la Fondation Belem à partir du 11 Mars 1980
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Classé monument historique en 1984, le Belem est aujourd'hui un navire-école civil, organisant des stages et permettant à tous de redécouvrir la culture maritime à voile. Il possède aujourd'hui comme port d'attache, Nantes.
En 1986, Le Bélem est à New York pour le centenaire de la Statue de la Liberté.
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photos complémentaires sur le Belem
Le FRANCE
Il reste un des plus beaux paquebots de croisière de la marine française (315 mètres de long), il fut construit dans les années 1950 au chantier de l'Atlantique à St Nazaire. Il fut baptisé par Madame DE GAULLE, sa marraine, le 11 mai 1960. Le 11 janvier 1962, il y a une inauguration officielle au Havre présidée par Michel Debré, Premier Ministre. Il a effectué de nombreux voyages dont la traversée vers New York, bien sûr, où il a fait une entrée triomphale, car il a battu le record de vitesse et a obtenu ainsi le "ruban bleu". En Avril 1969, il fait une croisière Impériale, sur les traces de Napoléon Ier, marquée par l'escale de Saint-Hélène. Il demeure au Quai de l'oubli, au Havre, jusqu'à sa vente le 26 juin 1979 à l'armement norvégien Klosters Rederi d'Oslo. Le 19 août 1979, le France est rebaptisé Norway et transformé en paquebot de croisière à Bremerhaven.
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Le NORMANDIE
Le Normandie, issu de la concurrence effrénée des compagnies européennes pour assurer des lignes transatlantiques régulières vers le nouveau monde, est né sous les critères de la vitesse, du prestige national et du grand luxe.
Sa construction débute en 1929 à St Nazaire. Il sera lancé le 29 octobre 1932. En 1935, il réalise son premier départ du Havre pour New York, avec 1216 passagers en un peu plus de 4 jours et gagne le "ruban bleu" ! Il subit par la suite des problèmes de vibrations dus à ses hélices à 3 pales. Au début de la guerre, le Normandie est amené à New York, lorsque la France et l'Allemagne entrent en conflit. En 1942, il est rebaptisé La Fayette et sert au transport des troupes américaines. En février 1942, un incendie ravage le navire. Il chavire dans le port de New York. Ne pouvant être sauvé, il sera revendu à un ferrailleur. Le Normandie a effectué 139 traversées de l'Atlantique. |
![]() Agonie du Normandie à New York |
Quelques autres...
Le pétrolier BATILLUS, de 550 000 tonnes a été construit aux chantiers de St Nazaire. Entre le 18 mai 1975 et le 28 mai 1976, il n'a fallu qu'un an pour construire ce pétrolier de 400 mètres de long et 63 mètres de large.
Le MONARCH OF THE SEA est un paquebot de 268 mètres de long, pouvant transporter 2773 passagers. Livré le 15 octobre 1971, il fait partie d'une série de 3 navires destinés à la croisière dans les Caraïbes.
LE MILLENIUM
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Paquebot de 294 mètres de longueur, il peut transporter 2450 passagers. sa vitesse moyenne est de 24 noeuds. Il a été livré en 2000 et il vogue sous le pavillon Libérien. |
IV) LA MAISON DES HOMMES ET DES TECHNIQUES
A. Ses objectifs
En Juillet 1987, la fermeture des Chantiers DUBIGEON fait entrer la navale dans l'histoire de Nantes. Les Compagnons des chantiers se mobilisent pour sauvegarder la mémoire de cette industrie et la restituer aux Nantais. Une collecte importante d'informations, issues des archives de l'entreprise, a permis de constituer un fond documentaire. Celui-ci est mis à la disposition du public. Il se compose de photos, de plans de navires construits à Nantes, de document techniques, de correspondances diverses et de maquettes.
Jean RELET et Gérard TRIPOTEAU offrent de leur temps pour accueillir et expliquer, à tous, l'histoire des "gars de la Navale".
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B. Le témoignage des compagnons.
D'anciens compagnons se retrouvent toutes les semaines à la Maison des Hommes et des Techniques. Ils s'occupent des archives, de la construction des maquettes et de leur montage électrique. Ils sont disponibles et prêts à raconter leur expérience, à relater leurs souvenirs. Ainsi, Michel, Maurice et René, sont venus discuter avec nous.
- Michel était électricien, il a travaillé 36 ans aux chantiers. Il a commencé à 19 ans "à gratter la peinture", comme il le dit lui-même. 14 ans plus tard, il est passé électricien. - Maurice était chaudronnier, il faisait des semaines de 54 h. En 1956, il a été muté aux Chantiers Dubigeon, où il devint dessinateur, puis Délégué du Personnel. - René était dessinateur industriel. |
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Ce sentiment de collectivité, où la sécurité au travail doit être respectée, était encore plus fort à bord du bateau que dans les ateliers. Cette nécessaire vigilence créait une culture de comportement. Le travail restait très physique et était souvent dur, même pour les plus jeunes. Ceux-ci étaient embauchés à la suite d'un apprentissage. Titulaire du CAP, ils étaient envoyés dans les ateliers sous la tutelle d'un ouvrier expérimenté. Cependant, ce dernier conservait jalousement ses tours de main et renvoyait souvent le jeune vers une tâche simple pour effectuer les travaux qualifiés.
UNE CONCLUSION...QUI N'EST PAS UNE FIN
Au début du mois d'avril 2001 et pour la première fois depuis la fermeture des Chantiers DUBIGEON, un bateau a été lancé sur la cale n°3 de la Prairie au Duc. Il s'agit d'une péniche "Cap Vert", qui a été construite dans le cadre d'un chantier d'insertion. La péniche naviguera sur l'Erdre et ira jusqu'à l'Ile aux Pies, près de Redon.
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Le futur projet, encore au stade d'idée, de la Maison des Hommes et des techniques, concerne la construction d'un quatre-mâts. Ce serait donc l'arrière-petit fils du Belem !! Aux Chantiers, on aime bien les histoires de filiation et avec la Fondation Bélem, notre fameux trois-mâts barque a encore une longue vie devant lui !
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