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Commerce  triangulaire

 

Extraits du journal de Nadira

 

        Cher journal,           

 

Aujourd’hui  nous sommes le 5 mars 1897. 

Nous avons quitté le port de Nantes depuis environ une heure. J’ai vu par les hublots défiler les quais de la ville et j’ ai même vu les fenêtres  de la maison de ma maîtresse qui se trouve sur le port.

J'ai emporté cette photo car elle me rappelle les bons moments passés à Nantes. Elle représente le chargement des "boucauts", ces tonneaux qui servaient à transporter le rhum. 

 

 J’ai rangé le linge dans les placards de sa chambre . J’ai à peine vu le bateau mais il paraît très grand. On m’a dit que c’est un trois-mâts barque construit pour le commerce du cacao avec le Brésil .                

 

 

Le 6 mars 1897 .      

Nous venons de passer notre première nuit à bord . Ma maîtresse a été malade. J’ai dû la soigner et changer son linge plusieurs fois. Quelquefois la vie de domestique est bien difficile, mais quand je repense à mon grand – père , je trouve que ma condition n’est pas si terrible. 

Il a été enlevé au Nigéria à l’âge de dix-sept ans par des marchands d’esclaves. Cette année, il va avoir soixante neuf ans. En 1858, ma mère est née et vingt ans après je suis née, moi Nadira .

 

 Mon grand – père a été emmené au Brésil dans un voilier rempli d’esclaves enchaînés et entassés les uns sur les autres . Arrivé là bas, il a été vendu à une famille européenne pour travailler dans les plantations de cannes à sucre, les « jardins » comme il disait . Il travaillait tous les jours, de l’aube jusqu’à la tombée du jour, les pieds enchaînés .

Les plantations nécessitaient beaucoup de main – d’œuvre, c’est pour cela qu’on a déplacé des esclaves de l’Afrique vers l’Amérique. Nantes s’est enrichie grâce au commerce des esclaves .Il paraît qu’ un esclave valait deux à trois fois son poids de sucre .

 

Le 3 mai 1897 .

  Ce matin en me levant , je suis allée sur le pont du bateau et j’ai remarqué un couteau à lame mince oublié par un matelot. Cela m’a rappelé ce que mon grand–père me disait . Il servait à marquer les esclaves en chauffant la lame .Des qu’ils étaient achetés, ils étaient aussitôt marqués avec une estampille d’argent brûlante aux initiales de leur nouveau maître . Je revois encore la marque sur la poitrine de mon grand–père .    

Marchand d’esclaves de Gorée  

   

Le 12 Juin 1897.

  Dans un an , nous fêterons l’abolition de l’esclavage, votée en 1848 par la France grâce à Victor Schoelcher . Avant cette date , on m’a dit que plus d’un million et demi d’esclaves ont été déportés . En moins de dix ans la moitié de ces hommes mourait .  

Des centaines d’esclaves entassés dans un bateau .

 

Le 15 juin 1897 .

  Je me suis promenée à nouveau sur le pont . J’ai rencontré le mousse qui m’a dit qu’il habite à St Philbert . Il m’a demandé si je pouvais l’aider à écrire une lettre à sa grand – mère . Je n’ai pas refusé car je le trouve beau garçon . Il a des yeux bleus comme un océan où l’on voudrait plonger. Ses cheveux sont blonds comme ceux d'un ange et un sourire est envoûtant . Mais nous n’avons pas pu discuter longtemps car le cuisinier l’a appelé pour la soupe . J’espère le revoir bientôt !

 

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